La narration d’Ulysse est construite en 18 épisodes, qui sont ensuite divisés en trois parties:

I. Les trois premiers épisodes sont consacrés principalement à Stephen Dedalus, qui représente les domaines intellectuels et spirituels, le monde immatériel, le négatif, l’absolu, le départ de la « maison » des identités fixes et habituelles.

II. Les 12 épisodes suivants vont introduire Leopold Bloom et le monde sensoriel, le monde des formes (dans lequel Bloom existe plus pleinement que Stephen), le positif, le relatif, et puis la rencontre de ces deux « opposés. »

III. Les trois derniers épisodes constituent leur voyage de retour « à la maison » ensemble, l’unité, les notions de « retour » et de nonséparation, de devenir complet.

Cela nous rappelle le questionnement de Joshu: « Si toutes les choses retournent à l‘Un,’ à quoi retourne l‘Un’ »?

Ulysse peut aussi être vu comme un voyage de l’Alpha à l’Omega, voyage qui n’est pas autre que celui de la vie, de chaque instant. Joyce montre cela avec le dessin suivant, qui figure dans son dernier livre, Finnegans Wake:

A………!
?………O

Les neuf points de chaque ligne font référence aux neuf épisodes de chaque moitié d’Ulysse. Il y a d’abord l’identifcation, où Joyce établit l’ordre, mettant en place l’histoire et les personnages (commençant avec « A » et culminant après neuf épisodes avec « ! » au milieu du livre). Mais ensuite, ce qui a été établi au cours de la première moitié du livre commence à devenir moins clair. C’est ici qu’apparaît le point d’interrogation dans le dessin, au moment où nos idées fixes commencent à s’écrouler sous les tours habiles de l’artiste magicien Joyce. Le doute se répand de plus en plus, la terre devient de moins en moins solide, jusqu’à ce que nous arrivions à l’O ouvert de la complétude et à l’affirmation finale d’Ulysse. Ceci n’est pas seulement la « forme » bien faite d’Ulysse, mais aussi la forme bien faite de la vie entière, moment après moment.

Le modèle de Joyce ressemble à celui du maître Zen Eihei Dogen: Le « voyage » est accompli en commençant d’abord par établir les positions – les montages sont les montagnes et les rivières sont les rivières, comme dit Dogen; elles sont ensuite questionnées, le tapis sur lequel elles sont solidement posées est retiré – les montagnes ne sont pas les montagnes et les rivières ne sont pas les rivières. La vraie affirmation n’est possible qu’après cette mise en doute de nos identités fixes (c’est à dire nos croyances). Alors, nous pouvons enfin vraiment voir les choses telles quelles sont: Les montagnes sont les montagnes et les rivières sont les rivières.

— Amy Hollowell Sensei